Les Soliloques d’Oscar #2

Parfois je rêve de Liberté.

Sentir le vent ébouriffer ma fourrure, le soleil d’août réchauffer mes os, les hivers glacés mordre mes oreilles aux aguets.

Retrouver la marche souple et prudente de mes ancêtres. Attendre comme les grands fauves une proie noble, tapi pendant des heures derrière une tenture de fougères, pour enfin bondir et broyer un cou tendre d’un coup de crocs. Le sang du sacrifice honorera l’implacable rituel qui rythme les saisons depuis la nuit des temps : une mort pour une vie. Pie, lièvre ou gazelle sera entraîné au loin, à l’abri des convoitises. Sous l’oeil froid des étoiles, je plongerai mes canines dans les chairs encore brûlantes de l’hostie.

Un jour je partirai.

Je quitterai ma cellule, je m’enfoncerai dans les profondeurs sauvages dont l’appel me lancine. L’herbe, de plus en plus dense, de plus en plus haute, bruissera à peine sous le velours de mes coussinets. Les arbres tendront leurs mille bras vers moi ; la brise me guidera vers l’eau claire d’un ruisseau. Mon échine se mêlera aux arbustes, mes pattes déploieront de mouvantes racines dans la terre, mes moustaches électrisées danseront avec le plantain. Faire un avec le Cosmos. Ivre de verdure, je me laisserai engloutir dans les immensités primitives.

Parfois je rêve de Liberté. Languide, je promène un regard mi-clos autour de moi : les coussins, le plaid en pilou-pilou, la promesse des croquettes dans ma gamelle, les mains caressantes de la Brune qui pianote sur son portable. Ca finit par passer. De toute manière, c’est l’heure de ma sieste postprandiale.